L’escalade et les sports outdoor sont des activités particulièrement intenses et exigeantes. Pour soutenir vos entraînements et vos objectifs vous avez besoin d’une alimentation adaptée avec suffisamment de calories, un équilibre de vos macronutriments et des apports réguliers de micronutriments vitaux pour l’organisme.
Mais quand on s’entraîne très dur, on est parfois prêt à sacrifier beaucoup pour améliorer ses performances. On peut en arriver à adopter des stratégies de contrôle de notre poids, surtout dans un sport comme l’escalade impacté par le rapport poids/puissance et dans lequel l’image du corps idéal athlétique et léger est valorisé.
Certains grimpeurs peuvent alors s’interdire par exemple totalement des catégories d’aliments ou alors se retrouver en restriction calorique permanente. Cette situation impacte la performance mais aussi la santé des grimpeurs par l’apparition d’un syndrome de REDs.
Le REDs (Relative Energy Deficiency in Sport) ou déficit énergétique relatif dans le sport en français, représente un déséquilibre entre l’énergie dépensée et l’énergie accumulée. Ce nom compliqué révisé par des experts internationaux et le Comité International Olympique en 2014 est l’évolution de la « Triade de l’athlète féminine ». Cette Triade est caractérisée par des troubles du cycle menstruel, des troubles du comportement alimentaire et une déminéralisation osseuse, chez les femmes pratiquant une activité sportive conséquente.
Aujourd’hui, on sait que cette Triade n’est pas qu’une triade et affecte également d’autres systèmes du corps humain et ne touche pas que les femmes.
La dépense énergétique journalière est la somme de l’énergie utilisée pour :
Notre apport énergétique journalier pour faire face à ces dépenses est assuré par la consommation d’aliments et de boissons.
Lorsque les dépenses sont supérieures aux apports, la balance est déséquilibrée, on parle alors de REDs.
Les conséquences de ce déficit énergétique relatif peuvent apparaître en quelques mois si le déséquilibre entre apports énergétiques et dépenses est régulier.
Le corps se met en mode “économie d’énergie” et modifie son système de fonctionnement habituel entraînant des dysfonctionnements physiologiques, psychologiques et une perte de performance.
Ces conséquences peuvent parfois même apparaître lorsque trop de temps séparent deux repas, alors même que l’apport calorique global est suffisant. Ce délai trop long associé à une charge d’entraînement élevé peut affecter le cycle menstruel, la récupération et la minéralisation osseuse.
Ces symptômes n’alertent pas toujours dès leur apparition et l’existence d’un REDs peut passer inaperçue. Ils ne sont d’ailleurs pas toujours liés à une perte de poids. Il faut parfois attendre une accumulation de signaux pour se rendre compte que quelque chose ne va pas et commencer à investiguer du côté de l’alimentation.
Le déficit énergétique impacte directement la performance :
Au final, cette situation vous fait vous sentir minable physiquement et mentalement pendant vos entraînements, diminue votre motivation et votre plaisir à pratiquer. De bonnes raisons de réagir et de se questionner sur son alimentation si l’argument santé ne suffisait pas.
Plus de 170 études ont été menées sur le syndrome de REDs et pourtant tous ses mécanismes extrêmement complexes ne sont pas encore élucidés.
La valorisation et la médiatisation omniprésente du corps athlétique idéal, de la performance, de l’importance du rapport poids/puissance, et la circulation d’injonctions nutritionnelles plus ou moins fondées sur les réseaux et dans les médias peuvent pousser à adopter des règles alimentaires très restrictives au détriment de ses besoins réels.
Il est toutefois important de noter que ce déficit n’est pas toujours causé par un trouble du comportement alimentaire.
Parfois ce déficit est involontaire et peut être dû à un manque de connaissances et d’estimation de ses besoins, un changement récent de rythme d’entraînement ou de vie, un petit appétit ou un manque de temps et d’organisation pour ses repas. On peut donc se retrouver en déficit énergétique tout en ayant une relation très saine avec la nourriture et sans se priver d’aucun aliment.
Au cours de l’été 2023, l’IFSC (Fédération Internationale d’Escalade Sportive) a été accusée de ne pas prendre de mesures suffisantes concernant les problèmes de REDs dans le milieu de l’escalade. Les voix de médecins de la fédération et d’athlètes dont Janja Garnbret ont dénoncé cette inaction pour la protection de la santé des athlètes.
En février 2024, l’IFSC fait un premier pas en s’engageant dans une politique de détection des REDs pour protéger ses athlètes internationaux des conséquences de ce syndrome sur la santé.
Mais le REDs concerne-t-il uniquement les athlètes de haut niveau ?
Une étude portant sur des grimpeurs et des grimpeuses de différents niveaux de performance grimpant depuis au moins 2 ans, s’entraînant au moins 2 fois par semaine, de 18 à 46 ans et en bonne santé a évalué leur apport alimentaire sur 3 jours lors d’un entraînement modéré. 77,5% des participants n’ont pas répondu à leurs besoins énergétiques évalués pour soutenir ce programme d’entraînement modéré, quel que soit leur niveau de performance en escalade. Le risque de déficit énergétique n’existe donc pas que chez les athlètes de haut niveau. Beaucoup de grimpeurs se reconnaîtront d’ailleurs dans les participants à cette étude.
C’est aussi le constat que je fais avec les grimpeurs que j’accompagne. Ils sont nombreux à s’entraîner plus de 2 fois par semaine, à pratiquer également d’autres activités sportives selon la saison (ski, trail, VTT…) et à y associer des séances à la poutre, du renforcement musculaire et autres exercices de préparation physique. Ce type de plan d’entraînement, qu’il soit construit et rédigé ou plus intuitif, nécessite un plan alimentaire adapté. Et bien souvent, ces grimpeurs n’ont pas conscience des besoins de leur corps pour soutenir ce rythme.
Si vous présentez un ou plusieurs symptômes décrits plus haut dans cet article, parlez-en à votre médecin traitant ou votre médecin du sport.
La prise en charge fait souvent intervenir également nutritionniste, diététicien du sport, et psychologue si la situation est associée à un trouble du comportement alimentaire. Votre entraîneur, votre coach, votre famille et vos proches sont aussi concernés et peuvent être un soutien.
Vous aurez besoin de diminuer votre charge d’entraînement ou de mise au repos selon la gravité des symptômes, et d’augmenter votre apport alimentaire pour récupérer.
La guérison peut prendre du temps, mais plus vous agissez tôt, plus elle sera rapide. Mais si vous tardez trop à corriger ce déséquilibre, les impacts sur votre santé physique et psychologique peuvent être graves voire irréversibles.
Je vous partage ici quelques conseils généraux pour vous aider à prévenir un déficit énergétique. Il est très difficile de sortir de cette situation une fois installée, la meilleure solution est donc d’éviter de s’y retrouver.
Sources :